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Le maître de la montagne


J’entends au loin, dans le berceau de la montagne,

Un cri sourd. Je sais qu’il m’entend

Par-delà les arbres, le bruit de la rivière et les temps.

Il connaît ses terres et jamais ne s’en éloigne.

Chaque odeur est en son sang, chaque mousse,

Chaque branche, chaque eau qui l’éclabousse.

Il est là, loin dans la montagne du Sichuan.

Il a choisi pour temple la végétation luxuriante,

Le brouillard parmi les bambous, la foule fuyante.

Il se rit bien des hommes, de leur vie qui fane,

De leur monde éphémère, du vide qui partout s’établit.

Il préfère ses mystères, son silence, sa lenteur à lui.

Qu’il est beau, roi dans sa montagne chinoise,

Tantôt debout, tantôt sur son séant, toujours géant,

Les yeux doux, quoiqu’un peu ours, le regard prenant.

Son allure câline me touche et mon âme se reboise

De frais santal, de cèdre, de poussière et de quelques chaleurs

Que nous, pauvres bipèdes, avons épuisée de saveurs.

Au loin dans la montagne, je sais qu’il me regarde,

A la fois rêveur, curieux et je dirais même danseur

Car le malin anime cet animal dans sa douceur.

Ses secrets, dans les brumes, il veut que je garde

Car l’homme est un fou qui jamais ne comprendra comme lui

Que la montagne et le brouillard sont les gardiens de son cri.

Aline Boussaroque, le 11 février 2017, Bifengxia (Sichuan, Chine).

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